Né en 1963 à Madrid
Vit et travaille à Montreuil (France)
© Miguel-Angel Molina, Peinture en forme de flaque de peinture, peinture acrylique au sol et vernis vitrificateur,
exposition « Afinidades electivas », La Panera, Lleida (Espagne). Commissariat Miquel Mont.
La pertinence du sol
——-Donald Judd disait que » le principal handicap de la peinture venait du fait qu’elle s’organise sur une surface rectangulaire posée à plat contre un mur (…) et que les bords de ce rectangle constituaient une frontière, les limites du tableau « . *
Je suis peintre et pendant longtemps, j’ai peint des « rectangles pour les accrocher aux murs ». La peinture est cela et beaucoup plus. Le tableau comme élément épistémologique de la peinture a été affirmé, mis en doute, réfuté et revendiqué à nouveau. La peinture est également la critique de la peinture elle-même et en ce sens, le travail infructueux de l’atelier s’est présenté comme un révélateur en négatif de ce qui « n’était pas » de la peinture.
Les taches de couleur ont toujours existé dans l’atelier. Je ne sais comment, subitement, un jour, je les ai vues. Non pas comme des taches, des flaques, mais comme de la peinture, une peinture sur le sol, des prolongations du tableau en dehors de ses limites. Et c’est ainsi que je les ai nommées : Peintures en forme de flaque de peinture.
L’horizontalité est, pour le peintre, un phénomène familier. Mettre un tableau à plat, n’est pas seulement un acte technique même si tout le monde sait que la peinture trop liquide ou en trop grande quantité, inévitablement… coule. La décision de peindre sur le sol conjure des forces telluriques, des rythmes primitifs et des réflexes infantiles, aux antipodes de l’attitude frontale et de la distance nécessaire pour la contemplation de la peinture verticale, de la peinture en tant qu’image.
Tout au long du XXe siècle, la relation des œuvres avec le sol a souvent été un axe essentiel dans la pratique artistique qui a transformé les façons de » voir « . Les Peintures en forme de flaque de peinture sont peintes, ce ne sont pas des flaques au sens résiduel mais des peintures qui revendiquent le sol comme support.
Si je garde en mémoire les photographies de Hans Namuth où l’on voit Jackson Pollock, concentré comme un gourou, héroïque comme un torero en plein action, dansant courbé sur la toile étendue au sol, sautant, et inévitablement foulant aux pieds la peinture, c’est parce que je pense que, finalement, ce qui faisait pour moi de ces peintures quelque chose de particulier, ce n’était pas le rectangle qu’on accroche au mur, mais le fait qu’il repose sur le sol et que l’on marche dessus.
MAM, Montreuil, juillet 2008
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* JUDD Donald, Écrits 1963-1990, Daniel Lelong éditeur, 1991, p 10.
Miguel-Angel Molina est representé par la Galeria Trinta en Espagne et la Galerie Una en France.
Liens :
Sur le site de la galerie Trinta
Sur le site de la Galerie Una – France
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